lundi 24 juin 2013

Le cosplay-centrisme 2... Suicide ou meutre d'une génération de fans?

Il y a quelques semaines, dans un premier éditorial, j’ai discuté du fait que ces dernières années, le fandom geek s’est tourné de plus en plus, parfois même trop, vers le cosplay et la compétition, au grand détriment du reste. Eh bien ici, je mets mon chapeau d’organisateur de festival et je pousse ma réflexion encore plus loin. Je me pose la question suivante : l’explosion du cosplay comme mode peut-elle être nuisible aux festivals et à la communauté à court ou à long terme?


En étant le plus réaliste possible, et avec beaucoup de tristesse, je dois répondre par l’affirmative. Mais pourquoi? La culture otaku et geek nord-américaine n’a t elle pas très bien résisté aux autres bulles de popularité qui lui ont explosé en pleine gueule dans le passé?

À la fin des années 1990, la diffusion à grande échelle d’animes à la télévision (Dragon Ball Z, Sailor Moon, Gundam Wing, etc.) a créé l’une des ces bulles de popularité dans le grand public. Cet espèce d’âge d’or a vu se multiplier les distributeurs d’animes et de mangas ainsi que les festivals. Et puis… pouf. La mode est passée et les chaînes de télévision ont soudainement arrêté de diffuser du contenu nippon. La plupart des compagnies de distribution sont mortes au bout d’une lente agonie, leurs produits ayant été évacués de la culture grand public et piratés à outrance.

Vous me direz que mon raisonnement ne tient pas, car même après le passage de cette mode, même après l’arrêt presque total des télédiffusions d’animes, le nombre de festivals est resté pratiquement le même. Erreur. Il est arrivé quelque chose à ces festivals et à la communauté, un coup de chance inespéré : une nouvelle mode, le cosplay, est venue presque immédiatement combler le vide, contrairement au cycle normal ici au Canada. Par exemple, dans les années 1980, les animes connaissaient un vif succès avec des séries comme Goldorak et Albator. Cette mode passée, il a fallu presque 15 ans pour que ce genre de phénomène réaparaisse.

Comment fais-je, me demandez-vous, pour voir ce changement de garde? Les ventes de produits et les cotes d’écoute piquent du nez alors que la scène des festivals, elle, se porte très bien. Il y a donc moins de fans d’anime (et aussi davantage de pirates), mais plus de cosplayeurs qui, eux, ne sont pas nécessairement des fans d’anime, de manga, de comics ou de science fiction, mais des amateurs de costumes.

Beaucoup feront l’erreur de croire que tout va bien parce que les rangs de notre communauté n’ont pas vraiment bougé et que les évènements vont bien. C’est un faux sentiment de sécurité qui va faire très mal à bien des gens, particulièrement les organisateurs d’évènements, dans quelques mois ou années.

Normalement, l’éclatement d’une bulle de popularité vient décimer les rangs de notre communauté. Mais le noyau dur, lui, grandit un peu et devient plus fort. En effet, au-delà de l’effet de mode, beaucoup de gens vont quand même continuer de s’intéresser au contenant (anime, manga, comics), alors que d’autres vont passer à autre chose. Cette mode leur a fait découvrir une nouvelle passion.

Dans le cas qui nous intéresse, les cosplayeurs ne sont généralement pas de très grands consommateurs de mangas ni d’animes comme leurs prédécesseurs. Alors, que restera-t-il pour eux dans le fandom lorsque cette mode sera passée ou quand ils n’auront plus de temps à y consacrer?

Je vous le donne en mille : rien.

En gros, dans quelques mois ou années, nous perdrons presque une génération entière de fans et d’otakus. Ils s’intéressent au contenant, mais pas au contenu, et c’est là que le bât blesse.

Je ne prédis pas l’apocalypse, mais de nombreux commerces et festivals risquent de tomber sous peu à cause de cette réalité. Mais bon, comme je le disais plus tôt, c’est effectivement naturel dans un creux de vague. Mais cette fois le creux de vague va être extrême, et des organisateurs de vos activités préférées le voient déjà venir. Au Canada anglais et aux États-Unis, les évènements et les entreprises spécialisées tombent déjà comme des mouches.

Malheureusement, je crois que cette vague marque la fin d’une époque. L’ère des festivals d’animes tire à sa fin, celle des festivals généralistes commence. Il faut bien remplacer les fans perdus.

Comme je l’ai souvent dit, il n’y a pas grand-chose d’autre à faire que d’essayer d’intéresser ces fans à ce qui constitue le cœur de notre communauté : les mangas et les animes.