Il
y a quelques semaines, dans un premier éditorial, j’ai discuté du
fait que ces dernières années, le fandom
geek s’est tourné de
plus en plus, parfois même trop, vers le cosplay
et la compétition, au grand détriment du reste. Eh bien ici, je
mets mon chapeau d’organisateur de festival et je pousse ma
réflexion encore plus loin. Je me pose la question suivante :
l’explosion du cosplay
comme mode peut-elle être nuisible aux festivals et à la communauté
à court ou à long terme?
En
étant le plus réaliste possible, et avec beaucoup de tristesse, je
dois répondre par l’affirmative. Mais pourquoi? La culture otaku
et geek
nord-américaine n’a t elle pas très bien résisté aux
autres bulles de popularité qui lui ont explosé en pleine gueule
dans le passé?
À
la fin des années 1990, la diffusion à grande échelle d’animes
à la télévision (Dragon Ball Z, Sailor Moon,
Gundam Wing, etc.) a créé l’une des ces bulles de popularité
dans le grand public. Cet espèce d’âge d’or a vu se multiplier
les distributeurs d’animes
et de mangas
ainsi que les festivals. Et puis… pouf. La mode est passée et les
chaînes de télévision ont soudainement arrêté de diffuser du
contenu nippon. La plupart des compagnies de distribution sont mortes
au bout d’une lente agonie, leurs produits ayant été évacués de
la culture grand public et piratés à outrance.
Vous
me direz que mon raisonnement ne tient pas, car même après le
passage de cette mode, même après l’arrêt presque total des
télédiffusions d’animes,
le nombre de festivals est resté pratiquement le même. Erreur. Il
est arrivé quelque chose à ces festivals et à la communauté, un
coup de chance inespéré : une nouvelle mode, le cosplay,
est venue presque immédiatement combler le vide, contrairement au
cycle normal ici au Canada. Par exemple, dans les années 1980, les
animes
connaissaient un vif succès avec des séries comme Goldorak
et Albator.
Cette mode passée, il a fallu presque 15 ans pour que ce genre
de phénomène réaparaisse.
Comment
fais-je, me demandez-vous, pour voir ce changement de garde? Les
ventes de produits et les cotes d’écoute piquent du nez alors que
la scène des festivals, elle, se porte très bien. Il y a donc moins
de fans d’anime
(et aussi davantage de pirates), mais plus de cosplayeurs
qui, eux, ne sont pas nécessairement des fans d’anime,
de manga,
de comics ou de science fiction, mais des amateurs de costumes.
Beaucoup
feront l’erreur de croire que tout va bien parce que les rangs de
notre communauté n’ont pas vraiment bougé et que les évènements
vont bien. C’est un faux sentiment de sécurité qui va faire très
mal à bien des gens, particulièrement les organisateurs
d’évènements, dans quelques mois ou années.
Normalement,
l’éclatement d’une bulle de popularité vient décimer les rangs
de notre communauté. Mais le noyau dur, lui, grandit un peu et
devient plus fort. En effet, au-delà de l’effet de mode, beaucoup
de gens vont quand même continuer de s’intéresser au contenant
(anime,
manga,
comics),
alors que d’autres vont passer à autre chose. Cette mode leur a
fait découvrir une nouvelle passion.
Dans
le cas qui nous intéresse, les cosplayeurs
ne sont généralement pas de très grands consommateurs de mangas
ni d’animes
comme leurs prédécesseurs. Alors, que restera-t-il pour eux dans le
fandom lorsque cette mode
sera passée ou quand ils n’auront plus de temps à y consacrer?
Je
vous le donne en mille : rien.
En
gros, dans quelques mois ou années, nous perdrons presque une
génération entière de fans et d’otakus.
Ils s’intéressent au contenant, mais pas au contenu, et c’est là
que le bât blesse.
Je
ne prédis pas l’apocalypse, mais de nombreux commerces et
festivals risquent de tomber sous peu à cause de cette réalité.
Mais bon, comme je le disais plus tôt, c’est effectivement naturel
dans un creux de vague. Mais cette fois le creux de vague va être
extrême, et des organisateurs de vos activités préférées le
voient déjà venir. Au Canada anglais et aux États-Unis, les
évènements et les entreprises spécialisées tombent déjà comme
des mouches.
Malheureusement,
je crois que cette vague marque la fin d’une époque. L’ère des
festivals d’animes
tire à sa fin, celle des festivals généralistes commence. Il faut
bien remplacer les fans perdus.
Comme
je l’ai souvent dit, il n’y a pas grand-chose d’autre à faire
que d’essayer d’intéresser ces fans à ce qui constitue le cœur
de notre communauté : les mangas
et les animes.